• Un concours de gagné !

    Voilà, encore un concours de gagné !
     


    Un grain de vie


    Je suis allongé sur ce qui me semble être une vaste étendue de sable fin. J’entends des cris… Des pleurs... Mon corps repose ici, les bras étendus sous le sable. Mon esprit s’échappe doucement… Il s’enfuit lentement… Je peux enfin le laisser aller, le laisser divaguer… Le laisser libre… La mort est douce, plus douce que la vie. Et alors, le grain de sable tombe. Il roule lentement… Comme si ma vie en dépendait. C’est ma fin qui s’approche de moi, doucement. Le grain roule sur ce qui me parait être le ciel, blanc. Il roule sur ce qui n’est peut être qu’une simple surface de verre lisse… Soudain, le grain s’arrête de rouler. Ce grain est mon histoire.
    J’étais
    - Votre fils est atteint d’une maladie grave. Nous avons eu recours à tous les soins possibles, mais nous n’avons aucune défense contre cette maladie inconnue. L’échec est difficile, je suis désolé.
    Le médecin baisse les yeux et laisse passer mes parents. Je suis allongé sur mon lit d’hôpital, ne remarquant presque rien de ce qui se passe dans la réalité. Je suis plongé dans un demi-sommeil, les yeux grands ouverts.

    - Chéri, tu vas bien ?
    Ma mère me regarde. Je tourne la tête et lui fais un léger sourire. Chaque parole, chaque murmure, chaque léger soupir résonne dans ma tête.
    -Tu veux te reposer encore un peu ?
    Elle parle d’une voix douce et sa délicate main chaude - à moins que ce ne soit moi qui sois gelé - me caresse la joue… Je hoche la tête.
    - D’accord.
    Elle se lève et mon père me regarde… Je ne l’ai jamais vu aussi triste.
    - Viens Pascal.
    Mon père sort en me regardant une dernière fois avec des yeux attendris. Je les suis du regard. Et je retourne ma tête vers le plafond blanc.
    Quand ils sortent, le médecin se dirige vers eux. Je crois qu’il est question de moi…
    - Vous pouvez rentrer chez vous avec votre fils, si vous le souhaitez…
    Il soupire et annonce sur un ton grave.
    - Il ne lui reste plus que quelques mois à vivre.

    Quand le médecin annonce cette nouvelle, je n’entends plus rien… C’est comme si le temps s’arrêtait. Mais soudain ma mère éclate en sanglots… Je tourne un peu la tête pour les apercevoir à travers la porte entrebâillée. De chaudes larmes coulent sur son visage… De lourdes larmes blanches… Elle se blottit dans les bras de mon père.
    Il est beaucoup plus grand qu’elle. Il me regarde et j’essaye de lui sourire, mais en voyant le regard attristé de mon père, je pense qu’il ressemble plus à une grimace. Je tourne alors la tête. Puis je sombre dans un sommeil agité et pourtant sans rêves…

    Je me réveille dans mon lit chez moi. J’essaye de me rendormir mais je n’y arrive pas. Mon réveil indique 13h03. Je soupire. Je me lève. Mes jambes flageolent et je tombe sur le parquet avec fracas. J'entends des pas dans l’escalier. La porte s'ouvre.
    - Chéri, tu vas bien ?
    C’est ma mère. Elle entre et s’accroupit à coté de moi. J’essaie de me lever mais je ne tiens pas debout. Ma mère me rassoit sur le lit.
    - Cela fait deux jours que tu dors. Reste ici, je vais te chercher à manger. Tu dois avoir faim.
    Elle sourit et sort doucement de la pièce… Je regarde ma chambre… Je me dirige vers mon sac de cours et prends mon agenda… Quelqu’un semble l’avoir rempli à ma place. Tous les devoirs sont notés d’une écriture que je connais bien…
    Un petit message a été écrit sur une page réservée aux dédicaces.
    « Repose- toi bien et appelle moi quand tu seras remis ! J Antoine »
    Je souris. Antoine est mon meilleur ami depuis la maternelle.
    Je sors mon téléphone et tape le numéro de mon ami sur le clavier.
    - Allo, Riley ?
    Et oui, je m'appelle Riley.
    - Oui, salut c’est moi. Ça va ?
    - Tu rigoles, ce serait plutôt à moi de te demander ça !
    Il éclate de rire.
    - Tu vas bien, alors.
    - Oui je vais mieux, j’étais drôlement inquiet !
    - J’imagine
    - Je peux passer te voir ?
    - Oui, bien sûr !
    Je soupire.
    - Qu’est-ce que tu as ?
    - Rien, je suis triste, je vais devoir quitter tout ça…
    - Que…
    La conversation coupe. Plus de batterie.
    Ma mère entre avec un plateau.
    - Voilà mon chéri ! Je t’ai préparé de quoi te remettre d’aplomb.
    Je souris.
    - Allez, bon appétit !
    Je mange ma soupe. Je suis déjà un peu mieux. Je m’endors.
    - Eh, eh ! Riley !
    Une voix dans mon sommeil me réveille. J’ouvre mes paupières tout doucement et sursaute en voyant le visage d’Antoine. Il éclate de rire. Je lui fais signe d’arrêter car j’ai encore mal à la tête. J’avale un comprimé.
    - Salut ! Tu vas bien ? me demande-t-il
    - Disons que ça pourrait aller mieux…
    - Alors… que voulais-tu me dire, tout à l’heure ?
    Je soupire.
    - Est-ce que tu…, commence-t-il sans pouvoir finir sa phrase.
    - Est-ce que je vais mourir ? Je lui demande sans aucune crainte de ce mot.
    Je le regarde avec une expression grave sur mon visage.
    - Oui
    Il baisse les yeux. Le mot « oui » est si petit et insignifiant… Mais, pourtant, quand on le prononce dans un contexte spécial, il peut signifier tant de choses et être si bouleversant.
    Je l’observe un moment. Je vois qu’il a envie de pleurer, mais Antoine essaye toujours de ne jamais laisser paraître ses émotions. Il me regarde. Une larme coule sur son visage. Je lui fais signe de s’asseoir.
    - Ne pleure pas, tout le monde doit mourir un jour
    - Oui, mais si jeune ! Qu’est-ce que je vais faire sans toi ?
    - Tu vas te débrouiller, tu le peux, évidemment ! Tu as plein d’autres ami…
    Il baisse les yeux. Je sait ce qu’il veut me dire. Je suis son meilleur ami. Personne d’autre ne me remplacera.
    Je lui fais une petite tape amicale sur le dos. Mais il ne réagit pas.
    Après avoir sangloter un moment, il se retourne vers moi :
    - Est-ce que tu vas revenir au lycée ? Tout le monde ne parle que de toi.
    Je réfléchis. Ma mère m’en a-t-elle parlé ?
    - Je ne sais pas.
    - J’espère que tu reviendras …
    Il soupire. Un long soupir profond.
    - Je crois que tu devrais y aller. Je dois me reposer. Et toi aussi, je crois… tu as l’air très fatigué.
    - Oui je ne dors pas beaucoup en ce moment.
    Il me fait un petit sourire en coin. Je lui souris moi aussi.
    Il se lève, lentement. Il sort de la pièce avec ce même air bouleversé et profondément triste.
    Je me laisse tomber sur le lit en arrière. Je regarde le plafond.
    J’ai envie de dormir, mais le sommeil ne vient pas. Je décide alors de me lever.
    Je m’appuie sur mon lit pour m’aider à me redresser. Quand je suis debout, je vacille un moment mais me tiens au bord de mon bureau. J’avance difficilement.
    Je descends lentement les escaliers.
    Quand j’atteins le seuil de l’escalier, je vois ma mère qui dort sur le grand canapé du salon.
    J’esquisse un léger sourire et enfile sans bruit mes chaussures. Je ne prends pas la peine de mettre un blouson ou une veste. Je sors, poussé par l’envie de me sentir libre… D’être à l’air frais, dans le vent…
    Ou alors, ce n’est peut être que mon destin…
    Il pleut des cordes. La pluie tombe sur la pelouse ce qui la rend d’un vert pomme brillant.
    Je vais jusqu’au garage en titubant et je sors mon vélo sans faire de bruit. Je l’enfourche et je commence à pédaler en me faisant mal aux mollets. Mais je pédale tout de même. Je pédale pour ressentir une sensation qui ne m’a pas étreint depuis déjà bien longtemps. L’envie de cette sensation me pousse encore plus loin. Je veux la vivre encore une dernière fois ! C’est ce sentiment qui me donne la force de pédaler loin… Une sensation qui me traverse sitôt le portail de mon imposante maison passé. Sitôt les cheveux au vent. La liberté !!!

    Je ne sais pas pendant combien de temps je pédale et ni jusqu’à où. Une trentaine de minute peut être. Je reviens à la réalité, ou plutôt, je sors de mes pensées quand mon vélo glisse et que je me retrouve par terre, allongé devant un panneau :
    « Pour protéger la falaise, veuillez ne pas avancer jusqu’au bord. »
    C’est un panneau de la Pointe du Chay. Il est positionné, habituellement, au début d’une grande plaine qui s’arrête au bout de la falaise.
    Je me relève, je contourne le panneau, et j’avance doucement vers le centre de la falaise. Je titube, j’avance, je marche…
    ***
    À ce moment de l’histoire, je me dis que c’est une force surnaturelle, un signe du destin qui m’a emmené jusqu’ici. En tout cas, alors que je marche, le sol se dérobe sous mes pieds. Ou plutôt, je fais un pas dans le vide, ce qui m’entraîne dans une crevasse. Je tombe. Aucun son ne sort de ma bouche. Je regarde le ciel qui s’éloigne peu à peu de moi. Je ne sens rien. Je ne sens pas un choc… Je croise le regard d’une jeune fille et…c’est le noir complet.
    ***
    Je suis
    Ce jeune garçon s’écrase par terre alors que je rassemble mes affaires. Sans un cri, je le vois tomber, venant de nulle part. Je croise un moment son regard . Il s’écrase alors sur le sol dur. Un nuage de poussière que son corps a soulevé, retombe tout doucement. La poussière beige me pique les yeux. Je ne bouge plus. Je le regarde et j’attends. Mais il reste immobile.
    Alors je cours vers lui. Je lâche mon sac et je m’agenouille à ses cotés.
    Du sang commence à couler de son crâne. Je tourne la tête intriguée, n’entendant plus le bruit régulier du sable. Le sablier en verre de quelques mètres est toujours là. Majestueux, titanique. Du sang coule, plus vite qu’un grain de sable ne roule sur la surface lisse de verre du sablier.
    Je me tourne vers ce jeune homme et je sens que sa vie est en danger. Je n’en sais pas plus, et c’est une réflexion instinctive. Mais le sablier a un lien avec lui.
    J’attrape mon sac toujours posé sur le sol. Je sors un mouchoir, et une bouteille d’eau. Je mouille le mouchoir et je l’applique doucement sur son front. Sur sa blessure rouge. Mais rien n’y fait, le mouchoir devient rouge. Je grogne et l’enlève rageusement de son front.
    Je défais mon écharpe en laine violette. Je soulève avec précaution sa tête et enroule mon écharpe autour de son front.
    L’écharpe rougit un peu mais elle retient le sang qui sèche doucement.
    J’appuie de temps en temps sur sa blessure pour que le sang arrête de couler.
    Je sors de mon sac un livre et l’ouvre à la page marquée.
    ***
    J’ouvre les yeux. Ma vue un peu floue devient nette et je regarde autour. Je suis dans une sorte de grotte et au-dessus de moi je vois un trou avec le ciel noir étoilé.
    Je tourne alors la tête et aperçois une jeune fille.
    Ses longs cheveux blonds parsemés de mèches brunes tombent en cascade sur le livre qu’elle est en train de lire.
    Ses beaux yeux verts suivent les lignes, vite Sa bouche s’accorde parfaitement avec son petit nez. Ses fins sourcils réguliers bougent au rythme des émotions qu’elle ressent en lisant son livre. Ses paupières légèrement maquillées tombent de temps en temps de fatigue.
    Elle m'entend bouger et tourne ses yeux verts vers moi.
    Une grande chaleur m’envahit.
    - Bonsoir.
    Elle sourit. Elle place un marque-page dans son livre.
    - Je m’appelle Fira. Et toi ? Tu as quel âge ?
    Je tousse un peu.
    - Je m’appelle Riley. J’ai 16 ans.
    - Je vois. Moi j’en ai 15, je suis en troisième.
    Elle s’approche de moi et porte ses mains à mon front. Je remarque alors une écharpe de laine violette.
    - Ta blessure est en train de guérir.
    Je fronce les sourcils. Ma blessure ? Mais où suis-je donc ?
    - Où est-on ? Que m’est-il arrivé ?
    - Alors que rassemblais mes affaires, tu es tombé par cette crevasse et tu t’es écrasé par terre. Ton front s’est ouvert et j’ai essayé de te soigner.
    Elle sourit.
    - Merci alors.
    - Mais, où sommes-nous exactement ?
    - Nous sommes à la pointe du Chay… dit-elle en fronçant les sourcils, mais alors tu ne te souviens de rien ?
    - Euh… non. Je ne pense pas.
    Je réfléchis un moment. Tout me revient. Le vélo, la liberté, la pancarte et… le vide.
    - Ça m’est revenu ! Mes parents doivent s’inquiéter ! Ils ont sûrement déjà appelé la police !
    - Calme-toi !
    Elle pose sa main sur mon front. Elle est chaude, douce.
    - Tu es brûlant ! Est-ce que tu es malade ? Tu es tout pâle !
    - Euh… oui.
    C'est à ce moment que je remarque qu’il neige. De petits flocons blancs qui enveloppent la terre de son grand manteau blanc.
    - Je suis atteint d’une maladie très grave que personne ne sait guérir. Je vais bientôt mourir.
    - Oh, je suis désolée.
    - Ne t’inquiète pas. Je ne m’en fais pas trop. Se leurrer ne servirait à rien. Je vais mourir et l’on n’y peut rien.
    Un silence se fait. Elle ne parle plus et me regarde.
    - Tu es courageux, finit-elle par déclarer.
    Après un moment de silence, je me redresse doucement. Elle accourt pour m’aider.
    - Merci, mais il faut que je rentre chez moi.
    - Tu ne peux pas. Les parois sont trop glissantes.
    - Comment ça, les parois ? C’est vrai, que fais-tu ici ? Comment y es-tu arrivée ?
    Je me retourne pour essayer d’apercevoir le trou par là où je suis tombé.
    Au fond de la grotte, au plafond de pierre il y a un trou ouvrant sur la nuit. Une paroi de la grotte y est accolée.
    - Je passe par les parois. Je viens ici tous les jours, je dis à ma mère que je suis chez une amie. J’ai découvert cette grotte en traînant par ici, après un gros chagrin. Pour remonter, j’escalade. Mais là, on est bloqué pendant un moment. Ma mère a sûrement déjà découvert que je n’étais chez aucune amie et je serais privée de sortie jusqu’à mes dix-huit ans.
    - Je suis désolé… C’est de ma faute.
    - Non, ne t’en fais pas. Si je n’avais pas été là, tu serais mort. Et au moins, ça me fait de la compagnie !
    - De toute façon, je vais quand même mourir, alors tu aurais dû me laisser mourir.
    - Ne dis pas ça ! S’offusque-t-elle.
    - Excuse-moi !
    Je baisse les yeux. Je parcours la grotte des yeux... et je le remarque.
    Grand et imposant. Reflétant grâce son verre lisse la lumière bleutée de la lune. Incrusté dans la roche marron, du sable coule…
    - Que fait ce sablier dans cette grotte ?
    Elle tourne la tête.
    - Ah, ça...Je ne sais pas trop ce qu’il fait là... Il est là depuis longtemps, des siècles peut-être... Il s’est mis à couler depuis peu de temps. Ca va sûrement te paraître complètement idiot, mais j’ai l’impression qu’il est lié à toi. Quand ton front s’est ouvert et a saigné, du sang coulait à la place du sable... Plus vite. Comme si ta vie était en danger. Je pense que si le sang n’était pas redevenu sable… Si le sang avait continué à couler, plus vite que le sable... tu serais mort.
    Elle me regarde. Son regard est chaleureux. Elle a un peu peur au fond.
    Son regard me donne la force de me lever. Je vacille.
    - Il coule depuis deux jours...
    Deux jours. Cette phrase résonne dans ma tête. Il y a deux jours, j'ai appris que j'allait bientôt mourir. Je m’approche doucement du sablier.
    Je tends ma main hésitante vers sa surface lisse pour le toucher.
    Mais au lieu de ça, elle traverse le verre, comme si c’était la surface lisse d’un lac. Le sable se met à tourbillonner à l’intérieur. Il tournoie et se rapproche de ma main pour l’envelopper.
    Je la retire , horrifié. Le sable retombe dans le sablier comme si chaque grain comptait plus qu’un autre. Le verre reprend sa forme comme si ma main n’avait jamais traversé le verre. Je recule en regardant le sablier.
    Les dés sont joués. Le destin ne changera plus.
    La mort est proche.
    ***
    Je me lève. Je tends la main vers Riley. Je le touche, il tremble. Il est glacé.
    - Ça va ?
    Il ne répond pas et fixe sa main.
    Je prends mon manteau et l’enveloppe.
    - Tout va bien se passer. Ne t’en fais pas…
    Je sens une larme qui coule sur sa joue.

    Les jours passent lentement et il continue à neiger. Nous n’avons aucune nouvelles de l’extérieur. Riley ne parle presque plus.
    Heureusement que dans mon sac j’emmène toujours le nécessaire avec moi : une gourde, de la nourriture (pas très équilibrée) et une couverture.
    Chaque nuit, je l’entends grelotter mais il refuse que je lui prête ma couverture. Il dit qu’il ne veut pas que j’aie froid et que de toute façon, il va bientôt mourir. Alors autant préserver ta santé conclut-il. Malgré tout cela, il espère chaque jour, les yeux dans le vide, que la mort va l’emporter le plus vite possible… Pendant que moi, j’espère le contraire en regardant le sable qui coule dans le sablier.
    Je ne connais pas les conditions et les conséquences de mes sentiments, mais je crois que je suis tombée éperdument amoureuse de lui.
    ***
    J’ai peur. La mort est proche. Elle me frôle, elle me touche. Elle me ronge chaque jour. J’essaye de fuir mais elle se rapproche, toujours plus forte et plus vite.
    J’ai peur…
    ***
    Voilà maintenant presque deux mois que nous sommes enfermés dans cette crevasse. La neige bloque la sortie et nous empêche de retourner chez nous.
    Nous mangeons très peu chaque jour, mais j’en donne toujours plus à Riley qui doit beaucoup se nourrir pour prendre des forces. Ce ne sont que des bonbons ou des biscuits, mais cela nous permet de survivre.
    Je l’observe.
    Il s’inquiète pour ses parents qui doivent se faire un sang d’encre. Moi je ne panique pas. Ils ne se sont jamais vraiment occupés de moi. Toujours à leurs voyages d’affaires et leurs réunions.
    J’ai décidé de poser une question à Riley ce soir.
    Ce soir, je lui poserai la question qui me dévore les lèvres. Je lui poserai et j’aurai ma réponse…
    ***
    Mes yeux sont fixés sur le sablier, sur le sable qui s’écoule de plus en plus vite. Je vais de moins en moins bien. Fira s’approche de moi hésitante. Elle m’observe et attends le bon moment pour parler…
    - Que veux-tu ?
    Elle est toujours aussi belle. Ses longs cheveux ont beaucoup poussé ces deux derniers mois… Sa silhouette élancée me fait toujours autant rêver.
    Elle se laisse tomber à genoux à coté de moi et fixe ses yeux verts dans les miens.
    Elle prend mes mains si froides dans les siennes si chaudes…
    - J’aimerais savoir ce que tu ressens vraiment pour moi.
    Elle regarde ses mains…
    - Depuis que ta main a traversé le sablier, tu ne me parles presque plus. Tu regardes le sablier comme si tu t’étais vraiment rendu compte que tu allais mourir… La mort ne te faisait pas peur et… Et tu t’es plongé dans tes pensées. Tu me détestes ?
    Je la regarde…
    - Je ne te déteste pas du tout… Dès le premier jour je n’ai ressenti qu’un seul sentiment pour toi…
    Je me penche doucement vers elle et je l’embrasse…
    ***
    Enfin. Je ferme les yeux. Je lui rends son baiser. Derrière, le sable s’agite. Il tournoie dans le sablier. Le temps s’arrête…
    Mais il retire délicatement ses lèvres des miennes et le sable qui tourbillonne dans le sablier se remet à couler.
    J’ouvre les yeux tout doucement.
    - Je t’aime
    - Moi aussi.
    Et il m’embrasse encore une fois.

    Je regarde Riley, parfois. Il est maigre. J’ai peur pour lui. Je regarde le sablier, j’arrive à en déduire qu’il ne reste plus qu’une semaine environ. Je pleure la nuit. Je ne dors pas, je pense à lui.
    On nous crée et on nous brise.
    ***
    J’ai peur.
    J’ai l’impression que je répète toujours les mêmes mots.
    Bientôt, je rentrerai chez moi et je mourrai. Ma famille, mes amis n’en savent rien.
    Pauvre Antoine ! Est-ce que je peux lui faire ça ? L’amour nous rend-il si bête ?
    ***
    Le matin se lève doucement. La neige a fondu, la paroi va bientôt brûler sous la chaleur du soleil. Je verse des larmes. Je m’enfouis sous ma couverture. Soudain je sens quelqu’un qui s’allonge à coté de moi. Je me retourne.
    - Bonjour Fira
    - Salut
    - Tu vas bien ?
    Je fais la moue.
    - Ne t’en fais, je te promets que je reviendrai ici et…
    - Tu dois rester avec ta famille ! Ils…
    - Ils ne savent pas combien de semaines ou de mois il me reste. Je veux être avec toi.
    Il me prend dans ses bras.
    - Je vais aller retrouver ma famille et je reviendrai dimanche. Je reviendrai pour te voir et pour être avec toi, quand mon âme me quittera.
    Il se redresse doucement. Je me lève et il me serre contre lui et il pose son menton sur le haut de ma tête. Il essuie mes larmes qui perlent sur ma joue.
    Il dépose un baiser sur mon front.
    Soudain il vacille. Il s'effondre.
    Je m'agenouille. J'essaye de l'aider mais il ne peut plus. Je tourne alors les yeux vers le sablier. Il y reste si peu de sable. Comment se fait-il ? Je vois alors une longue fissure sur le sablier… Du sable a coulé par là. Je tourne mes yeux vers lui… Il est pâle.
    - Riley tu vas bien ?
    Il respire. Je le sens mourir peu à peu. Je le prends dans mes bras. Je verse de plus en plus de larmes. Je le lâche et ferme les yeux. Il essaye de murmurer quelque chose mais il ne peut pas. J’ouvre alors les yeux, je ne le vois plus.
    Je me retourne vers le sablier. Riley est allongé à l'intérieur. Le sable coule sur lui.
    Je crie. Je cours vers le sablier et je donne des coups sur sa surface. Rien n'y fait, il se vide de plus en plus vite. Je pleure, je crie. Je m’effondre, vidée de mes forces. Je lève la tête, mes longs cheveux qui tombent sur mon visage me troublent la vue. Je vois le dernier grain qui, lentement, roule. Il s'arrête. Je retiens mon souffle.
    Soudain, le sablier se brise en mille morceaux. Je recule apeurée, les yeux écarquillés d'étonnement. Des minuscules morceaux de verre tombent tel une pluie d’étoiles argentées. Ils descendent lentement vers le sol, comme des plumes. Si légers. Si petits. Dans une douce mélodie, ils se posent tous au sol. Les plus légers continuent de tomber, semblant flotter dans les airs. Alors, je cours vers Riley. Le verre s’enfonce douloureusement dans mes pieds, mais je continue d’avancer. Ases cotés, je m’agenouille et je passe ma main sous son cou pour soulever sa tête. Je sens de petits morceaux de verre froid qui tombent sur ma nuque. Légers, froids, luisants. Je pose ma main sur sa poitrine. Il est vivant. Il ouvre les yeux. Il me sourit.
    Je l’embrasse.
    Je serai

    La peur. L'amour. Libéré de ses chaines. Liberté.
    La vie.
    Les grains commencent à décoller du sol. Ils me mettent à tournoyer, à virevolter. A voler.
    Ils flottent et se déplacent au gré du vent. Ils bougent, ils sont vivants… Ils luisent.
    Doucement, ils s'élèvent vers la sortie. Ils volent vers la liberté. Ils sortent tous et montent encore plus haut dans le ciel.
    La poussière d'étoile. Représentants la lumière, représentants la vie. Ils luisent.
    Mais au centre, un grain luit toujours. Posé sur le sol. Oublié de tous.
    Sa lumière est vive… Il éclaire plus que tous les autres réunis. Comme si il était heureux. Comme si il souriait.
    Celui-ci représente la vie après la mort. Le bien après le mal. La lumière après l'ombre.
    Il est posé là. Simplement, seul.
    Un grain de vie.
    Fin



    Une scène coupé ( XD Le texte était trop long ^^ )



    -
    Je vais aller retrouver ma famille et je reviendrai dimanche. Je
    reviendrai pour te voir et pour être avec toi, quand mon âme
    me quittera.


    Il
    m’embrasse. Encore une fois. Une fois de plus, une fois de plus où
    le rêve devient réalité.


    Après
    quelques instants de bonheur, quelques instants où le temps
    s’arrête, il se redresse doucement. Il m’aide à me
    lever en lui prenant la main et je me retrouve dans ses bras… Il me
    serre contre lui et il pose son menton sur le haut de ma tête.
    Il essuie mes larmes qui perlent sur ma joue.


    -
    Je reviendrai.


    Il
    dépose un baiser sur mon front.


    -
    Et toi, tu ne rentres pas chez toi ?


    -
    Non, je vais t’attendre, sinon je…


    -
    Et la nourriture ? Je… tu… il va te falloir à boire
    et à manger !


    -
    Il m’en reste…


    -
    Oui, mais pas assez.


    Il
    soupire…


    -Viens
    avec moi…


    -
    Je… tes parents vont appeler les miens.



    -
    Non j’ai une idée. Suis-moi.


    Je
    rassemble mes affaires. Il commence à escalader la falaise. Il
    essaye de montrer qu’il y arrive, ce qui est faux. Il hésite
    et risque de tomber plusieurs fois. Arrivé en haut, il se
    penche vers moi, il m’attrape les mains et m’aide à me
    hisser avec pas mal de difficultés hors de la fissure. Il me
    donne un baiser furtif pour ne pas montrer qu’il se sent mal et se
    retourne.


    Là,
    dans l’herbe haute, se tient un vélo bleu tout rouillé
    et mouillé par la pluie.


    -
    Je plains le propriétaire de ce vélo.


    Je
    souris.


    -
    C’est gentil de penser à moi.


    Il
    commence à avancer en riant.


    Je
    le suis et lui prends sa main.


    -
    Mais alors on va où ?


    -
    Surprise.


    Il
    me regarde et me sourit.


    ***

    Pendant
    bien plus d’une heure, on marche en se tenant la main. Au bout d’un
    moment, il se met à pleuvoir des cordes. Des grosses gouttes
    qui s’écrasent sur nos têtes et notre corps. On ne
    peut s’empêcher de rire et de courir en s’éclaboussant
    dans les flaques comme des enfants.


    Parfois,
    l’on voit des voitures de police qui rôdent. On se cache
    toujours, pensant qu’ils nous cherchent. On rit aux éclats…


    Environ
    une heure et demie plus tard, on arrive enfin devant la petite maison
    jaune pâle qui se tient dans l’avenue qui longe la plage. Je
    toque à la porte en attente d’une réponse.


    J’entends
    des pas, lourds et incertains. La clé tourne dans la serrure
    et la porte s’ouvre enfin. Quand il me voit. Il écarquille
    les yeux.


    - RILEY !

    Il
    me serre dans ses bras et je sens ses larmes qui tombent sur mon
    épaule. Très émotif. Derrière moi, Fira
    se met à rire. Antoine ouvre les yeux et, quand il la voit, il
    recule et devient rouge comme une tomate.



    -
    Ah oui, bonjour, désolé.


    Il
    nous invite à entrer et nous donne des serviettes. Nous nous
    asseyons sur son canapé rouge, main dans la main, couverture
    sur les épaules et chocolats chauds en main. Fira raconte sa
    version de l’histoire. Ma chute, mes soins, ses craintes. Son
    histoire finie, Antoine très attentif, écoute à
    présent la mienne. Liberté. Plaine. Falaise. Chute.
    Noir. Bonheur. Douleur. Peur. Il sourit quand il apprend que nous
    somme éperdument amoureux l’un de l’autre. Il apprend pour
    le sablier, pourquoi je voulais venir ici : il accepte de nous
    garder une semaine. Ses parents ne sont pas là, ils sont
    partis en voyage pendant plusieurs semaines nous raconte-t-il. Sa
    grand-mère vient le voir tous les jours, mais elle est très
    gentille et a une grande confiance en son petit fils. On ne risque
    pas qu’elle dévoile tout. De toute façon, on ne
    restera pas longtemps. Il ne sait pas que je vais bientôt
    mourir, que dans une semaine nous retournerons là bas…


    -
    Voilà tout ce qui s’est passé. Maintenant, toi,
    raconte-nous ce qui s’est passé en notre absence.


    J’apprends
    alors que mes parents sont fous d’inquiétudes, que la
    police, la gendarmerie, l’armée, l’état entier a
    été prévenu ! Lui, Antoine, n’a pas voulu
    appeler ses parents et restait chez lui, sur son canapé, toute
    la journée et ne bougeait plus. Je soupire et prends pitié
    de lui.


    Nous
    nous regardons. C’est Fira qui rompt le silence.


    -
    Sans vouloir réclamer, j’ai un petit creux moi.


    Je
    souris et je vais aider Antoine à préparer à
    manger. Nous logeons chacun dans une chambre. Moi avec lui, sur un
    matelas et elle dans la chambre d’amis.


    Et
    le temps reprend sa route. Lentement, il continu.





    Voilà
    maintenant une semaine que nous sommes ici. Nous sommes en train de
    préparer nos affaires, Antoine croit que nous allons chez moi,
    mais c’est faux. J’aurais aimé le prévenir, ainsi
    que ma famille, mais ils ne me laisseraient pas partir et Antoine
    voudrait venir avec moi. Des fois je regarde le monde, la rue, les
    maisons, et je suis nostalgique à l’idée de quitter
    tout ça. Surtout quand je regarde Fira. Je ne veux pas la
    quitter. Je la veux, à coté de moi, pour l’éternité.


    ***

    Nous
    partons, le soleil brille dans le ciel et nous sortons de la maison
    de son ami Antoine. Je ne veux pas y aller, car ça veut dire
    que la mort est proche. Riley a beaucoup de mal à avancer, à
    parler, à manger… La nuit a été horrible, des
    pleurs, des sanglots… C’est affreux. Je me meurs avec lui.


    Je
    ne suis plus rien sans lui.


    ***

    Le
    trajet du retour est moins long que celui qui nous a emmené
    jusqu’à chez Antoine. Ce n’est pas logique, mais c’est
    la vérité. Nous ne nous amusons pas et nous ne nous
    roulons pas dans la boue. Nous marchons, côte à côte
    à regarder nos pieds. Elle ne me voit pas, elle voit son monde
    à elle, sa vie, ses craintes. Moi je ne vois qu’elle, et les
    larmes qui me brouillent la vue. Je sens que je ne tiens plus sur mes
    jambes. Je vacille. Je m’effondre par terre. Je la regarde. Elle me
    regarde. Elle s’agenouille à coté de moi. Elle pleur
    elle aussi. Elle passe doucement et délicatement son bras sous
    mon épaule et m’aide à me relever. Je ne peux plus
    marcher. J’essaye de protester mais aucun son ne sort de ma bouche.
    Elle peine à m’aider. Mais elle le fait. Je l’admire, pour
    son courage, sa force, son espoir…


    Oh
    oui, je l’aime tant.


    Elle
    continu à marcher vers la plaine. Je sens mes yeux se fermer,
    je ne veux pas.


    Enfin
    nous arrivons à la crevasse. Elle m’aide à m’asseoir
    délicatement, les pieds dans le vide. Doucement, elle
    commence à descendre. Arrivée en bas, elle me dit de la
    rejoindre. Avec le peu de force qui me reste et un immense effort, je
    descends. Arrivé en bas, j’essaye de rester debout. Mais je
    n’y arrive plus. Je suis fatigué. Je veux disparaître,
    mourir, je souffre, je n’en peux plus.


    ***

    Enfin
    il arrive en bas. Je m’assois et je me repose. C’est si
    difficile, et la fatigue de cette nuit blanche n’arrange rien.
    Riley est proche de la mort. Je tourne alors les yeux vers le
    sablier. Il y reste si peu de sable. Il ne lui reste même pas
    une demi-heure. Je me retourne et le cherche des yeux.


    -
    Riley !


    Il
    est allongé sur le sol, les yeux dans le vide.


    Je
    cours vers lui.


    -
    Riley tu vas bien ? Respire !

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